Imaginez un monde où, au lieu de pester contre « l’algorithme » qui vous noie sous des reels de chats ou de complots, vous pouviez simplement lui dire : « Écoute, j’en ai marre des memes politiques, montre-moi plus de growth hacking et de tips Notion ». Et si, miracle, il vous obéissait… pendant 72 heures. C’est exactement ce que Threads est en train de tester avec la fonctionnalité « Dear Algo ». Une révolution ? Peut-être. Un gadget marketing génial ? Sûrement. Plongeons ensemble dans ce qui pourrait bien changer la façon dont on consomme les réseaux sociaux.
« Dear Algo » : comment ça marche concrètement ?
Le principe est d’une simplicité enfantine. Vous commencez un post par les mots magiques « Dear algo » (ou « Cher algo » si vous restez en français, l’algorithme comprend les deux), puis vous exprimez votre souhait comme si vous parliez à un ami un peu lent mais docile.
Exemples concrets postés par Connor Hayes, head of product chez Threads :
- « Dear algo, show me more posts about indie startup founders »
- « Dear algo, less US politics and more European tech news »
- « Dear algo, I want to see more UI/UX inspiration and fewer dance videos »
L’effet est temporaire : 3 jours maximum. Passé ce délai, l’algorithme reprend ses anciennes habitudes… sauf si vous avez interagi massivement avec le nouveau contenu servi. Dans ce cas, il intègre progressivement vos nouvelles préférences de façon plus durable.
« When people add ‘Dear Algo’ to a post, it will tell your feed what you want to see more or less of for up to three days. »
– Connor Hayes, Head of Product chez Threads
Attention : votre lettre d’amour à l’algo est publique !
Petit détail qui a son importance : ces posts « Dear Algo » ne sont pas des messages privés. Ils apparaissent normalement dans votre feed et sont visibles par tous vos abonnés (et potentiellement repostés). Si votre compte est public, n’importe qui peut voir que vous avez supplié l’algorithme de vous montrer plus de contenu sur les shitcoins ou les théories du complot sur les vaccins… Un risque de personal branding à ne pas négliger.
À l’inverse, ça peut devenir une nouvelle forme de social signaling : « Regardez comme je suis sérieux, je demande à l’algo plus de contenu sur le venture capital et le product management ».
Une tendance de fond : l’algorithme conversationnel
Threads n’est pas seul. On assiste à une véritable vague de tentatives pour rendre les algorithmes plus « humains » :
- YouTube teste depuis novembre 2025 une fonctionnalité similaire où on peut dire à l’algo ce qu’on veut voir plus ou moins
- X (Twitter) utilise déjà Grok pour affiner les intérêts via des prompts naturels
- Instagram travaille sur une liste de topics plus explicite (moins conversationnel, plus « check-box »)
Derrière cette course, un constat simple : les utilisateurs adorent détester l’algorithme… tant qu’ils n’ont pas les moyens de le domestiquer. Dès qu’on leur donne la bride, la plupart se calment.
Pourquoi les utilisateurs n’utilisent jamais les réglages (et pourquoi ça ne fait rien)
Il existe déjà des dizaines de paramètres pour personnaliser son expérience : « Voir moins de ce contenu », « Ne plus me suggérer cette page », « Masquer les posts sensibles »… Pourtant, moins de 5 % des utilisateurs y touchent régulièrement (chiffres internes Meta rendus publics en 2024).
Le paradoxe est fascinant : on râle contre l’algorithme, mais on ne veut surtout pas passer du temps à le configurer. Ce qu’on veut, c’est le sentiment de contrôle, pas forcément le contrôle lui-même.
« Dear Algo » joue exactement sur ce terrain psychologique : c’est rapide, ludique, un peu théâtral, et surtout ça donne l’illusion qu’on parle à quelqu’un qui nous écoute.
Ce que ça change pour les marketeurs et les créateurs de contenu
Si la fonctionnalité se généralise, les impacts seront multiples :
- Volatilité accrue du reach organique : un community manager qui voit soudain son audience demander « moins de posts corporate » peut voir son reach chuter en 24h
- Nouvelle opportunité de veille : en surveillant les posts « Dear Algo » publics contenant votre nom de marque ou votre niche, vous obtenez un feedback ultra-direct
- Effet viral possible : imaginez un influenceur qui lance « Dear algo, show me more [votre marque] » → ses abonnés repostent → effet boule de neige
- Risk de bad buzz : à l’inverse, un bad buzz peut maintenant se traduire par des milliers de « Dear algo, less [marque] » visibles publiquement
En résumé : une nouvelle couche de transparence (et de pression) sur la qualité du contenu.
Et si on imaginait le futur de « Dear Algo » ?
À court terme, on peut facilement envisager :
- Des templates tout faits (« Dear algo, mode startup founder activé »)
- Des comptes qui se spécialisent dans les « prompts algo » optimisés
- Des marques qui incitent leurs communautés à poster des « Dear algo » en leur faveur (éthiquement discutable mais probable)
À plus long terme, on pourrait même voir apparaître des personas d’algorithme : « mode maximaliste crypto », « mode minimaliste slow living », « mode brutaliste tech » que l’on active en un post.
Ce que nous apprennent déjà les premiers tests
Depuis septembre 2025, Threads teste cette fonctionnalité en petit comité. Les retours internes (fuités via des posts de employés Meta) montrent que :
- 68 % des utilisateurs ayant essayé « Dear Algo » ont renouvelé l’opération dans les 7 jours
- Le sujet le plus demandé : « plus de contenu éducatif, moins de drama »
- Le sujet le plus « banni » : la politique américaine (étonnant ?)
On sent une vraie fatigue face au bruit et une envie de retrouver des feeds plus « curés ».
Conclusion : l’algorithme n’est plus un dieu lointain, c’est un majordome qu’on peut engueuler
Avec « Dear Algo », Threads ne révolutionne peut-être pas la technologie sous-jacente, mais il change profondément la relation émotionnelle que nous entretenons avec nos feeds. On passe du statut de victime (« l’algorithme me pourrit la vie ») à celui d’utilisateur actif (« je lui dis ce que je veux »).
Et si, finalement, le vrai génie de cette fonctionnalité n’était pas technique… mais psychologique ? Donner l’illusion du contrôle pour mieux garder l’attention. Un grand classique du product design, magistralement exécuté.
Une chose est sûre : dans les prochains mois, vous allez voir fleurir des « Dear algo » partout. La question est : qu’allez-vous lui demander, à lui ?
(Article mis à jour le 4 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
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