Imaginez une startup française née il y a treize ans dans un petit bureau parisien qui, en une décennie, se hisse au rang de licorne européenne face aux géants américains du CRM. C’est exactement ce qu’a réalisé Brevo le 4 décembre 2025 en bouclant une levée de fonds monumentale de 500 millions d’euros. Une opération qui propulse sa valorisation au-delà du milliard symbolique et qui marque un tournant stratégique décisif. Derrière ce succès : une vision claire, une obsession produit et une accélération fulgurante sur l’intelligence artificielle.
De Sendinblue à Brevo : l’histoire d’une métamorphose réussie
Retour en 2012. Armand Thiberge lance Sendinblue avec une idée simple : démocratiser l’email marketing pour les PME. L’outil est intuitif, abordable et surtout européen (les données restent en Europe, un argument qui pèse lourd face aux craintes RGPD). Très vite, la plateforme séduit des centaines de milliers de clients.
Mais en 2023, le fondateur sent le vent tourner. L’email seul ne suffit plus. Les marques veulent orchestrer l’ensemble des points de contact client : SMS, WhatsApp, chat, push, wallet… Sendinblue devient alors Brevo, contraction de “breathe” et “hello”, pour signifier une relation client plus fluide, plus vivante. Pari gagné : aujourd’hui, plus de 600 000 entreprises dans le monde utilisent la plateforme multicanale.
500 millions d’euros : qui sont les nouveaux actionnaires ?
Cette nouvelle levée n’est pas un simple tour de table, c’est une opération de growth equity menée par deux poids lourds :
- General Atlantic, le fonds américain qui a accompagné Facebook, Airbnb ou encore Alibaba à leurs débuts
- Oakley Capital, spécialiste européen du mid-market tech (notamment actionnaire de Facile.it ou de la plateforme d’éducation en ligne IU Group)
Les investisseurs historiques (Partech, Bpifrance) restent au capital, et surtout, les dirigeants et les salariés voient leur part augmenter significativement. Un signal fort dans l’écosystème français où l’on reproche souvent aux fondateurs de se faire diluer trop vite.
« Je suis très heureux d’accueillir Oakley Capital et General Atlantic, deux investisseurs qui partagent notre exigence produit. Notre ambition : construire un leader européen du CRM capable de rivaliser avec Salesforce ou HubSpot grâce à l’excellence technologique et à l’IA. »
– Armand Thiberge, fondateur et CEO de Brevo
L’IA, le vrai moteur de la prochaine décennie
Plus de 50 % des 1 200 collaborateurs de Brevo travaillent aujourd’hui en R&D. Et ça se voit. Depuis février 2025, le Brevo AI Lab enchaîne les lancements :
- Des agents IA spécialisés Marketing, Sales et Service Client
- Un connecteur natif avec ChatGPT et Claude (MCP)
- Des fonctionnalités de génération de contenu, de scoring prédictif et d’automatisation conversationnelle
Le message est clair : Brevo ne veut plus être seulement une plateforme d’envoi, mais une véritable co-pilote IA pour les équipes marketing et commerciales des PME et ETI. Un positionnement qui résonne particulièrement auprès du mid-market, segment qui croît actuellement deux fois plus vite que le reste de l’activité.
« Nous observons de puissantes tendances structurelles favorables aux plateformes d’engagement client dopées à l’IA. Brevo occupe une position unique au cœur de cette transformation. »
– Sascha Günther, Managing Director chez General Atlantic
Les États-Unis, nouvelle terre de conquête
Longtemps concentrée sur l’Europe, Brevo a ouvert le robinet américain depuis deux ans. Résultat : 24 % des nouveaux revenus proviennent désormais des États-Unis. Un chiffre impressionnant quand on sait que la concurrence y est féroce (Klaviyo, ActiveCampaign, Braze…).
La recette ? Un produit ultra-complet, des prix agressifs, une conformité RGPD qui rassure les entreprises européennes implantées aux US, et surtout une approche “self-service” parfaitement adaptée aux PME américaines habituées à tester avant d’acheter.
Objectif 2030 : 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires
Avec cette nouvelle trésorerie, Brevo voit grand. L’entreprise annonce vouloir :
- Accélérer massivement sa roadmap IA (embauches, nouveaux modèles propriétaires)
- Multiplier les acquisitions stratégiques (déjà plusieurs dizaines réalisées ces dernières années)
- Renforcer sa présence sur le segment mid-market (entreprises de 100 à 1000 salariés)
- Atteindre le milliard d’euros de revenus d’ici 2030
Un objectif ambitieux mais crédible quand on regarde la trajectoire : Brevo affiche déjà une croissance rentable, chose rare dans la tech européenne ces dernières années.
Pourquoi cette licorne est différente des autres
Dans le paysage tech français, on a vu passer beaucoup de licornes ces dernières années : Mirakl, Back Market, Alan, Payfit… Mais Brevo possède plusieurs particularités qui en font un cas d’école :
- Un fondateur toujours aux commandes après 13 ans
- Une rentabilité atteinte depuis plusieurs années
- Une stratégie M&A agressive mais discrète (plus de 15 acquisitions)
- Une culture produit obsessionnelle (50 % des effectifs en R&D)
- Un positionnement “Europe-first” qui devient un avantage compétitif face aux GAFAM
Ce que cela dit de l’écosystème français en 2025
Brevo n’est pas un cas isolé. On assiste depuis deux ans à une maturité croissante des scale-up françaises : capacité à lever des montants à neuf chiffres, attractivité auprès des fonds US et britanniques de premier plan, ambition mondiale assumée. On pense aussi à Pigment (levée à 1 milliard de dollars de valorisation), Mistral AI, PhotoRoom ou Qonto qui franchira probablement le cap licorne en 2026.
Le message envoyé aux entrepreneurs est clair : oui, il est possible de construire un champion mondial du logiciel B2B depuis la France, même dans un secteur aussi concurrentiel que le marketing automation.
Et maintenant ?
Avec 500 millions en caisse, Brevo entre dans la cour des grands. Les prochaines étapes seront scrutées : nouvelles acquisitions majeures ? Lancement d’un modèle IA propriétaire ? Introduction en bourse dans les 3-5 ans ? Une chose est sûre : le champion français du CRM n’a pas fini de faire parler de lui.
Pour les marketeurs, les entrepreneurs et tous ceux qui croient au potentiel de la French Tech, Brevo est la preuve vivante qu’une vision long terme, une exécution sans faille et une obsession client peuvent mener très loin. Même face aux géants américains.
La licorne européenne du CRM est née. Et elle a bien l’intention de galoper très vite.
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