La nouvelle offre d’abonnement sans publicité de Meta est dans le collimateur de la Commission européenne. Selon cette dernière, ce service payant proposé aux utilisateurs européens de Facebook et Instagram pour échapper au tracking publicitaire viole les règles du Digital Markets Act (DMA). Une décision qui pourrait coûter très cher au géant technologique en termes d’amendes.
Le « consentement payant », un modèle illégal pour Bruxelles
Lancé en novembre dernier, l’abonnement à 9,99€ par mois permet aux Européens de ne plus voir de publicités sur les apps de Meta et de ne plus être tracés à des fins publicitaires. Un moyen pour la maison-mère de Facebook de contourner les obligations du DMA en matière de consentement et de contrôle des données personnelles. Mais pour la Commission européenne, ce modèle dit du « consentement payant » n’est pas conforme à la nouvelle législation :
La Commission estime à titre préliminaire que le modèle publicitaire « payer ou consentir » de Meta n’est pas conforme au DMA car il ne remplit pas les conditions nécessaires énoncées à l’article 5(2). En particulier, le modèle de Meta ne permet pas aux utilisateurs d’opter pour un service qui utilise moins de leurs données personnelles.
Commission européenne
Pour se conformer au DMA, Meta devrait ainsi proposer une expérience équivalente à celle avec publicités ciblées, mais sans exploiter les données des utilisateurs. Un casse-tête pour son modèle économique basé justement sur la monétisation de ces précieuses données comportementales.
Vers des amendes records pour Meta ?
Si l’avis préliminaire de la Commission est confirmé, Meta s’expose à une amende pouvant aller jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires mondial. Soit plusieurs milliards d’euros, un montant absolument colossal. L’entreprise de Mark Zuckerberg avait déjà écopé d’une amende record de 265 millions d’euros fin 2022 pour des manquements au RGPD.
Meta devrait contester cette décision en arguant qu’elle ne peut pas offrir le même service gratuit sans monétiser les données, sous peine de voir ses revenus publicitaires s’effondrer. Reste à savoir si cet argument de la perte économique sera jugé recevable face à l’impératif de protection de la vie privée des citoyens européens. Car c’est bien un bras de fer qui s’engage entre la Silicon Valley et Bruxelles sur la question de la souveraineté numérique du Vieux continent.
L’Europe affirme sa souveraineté numérique face aux GAFAM
Le DMA et le DSA (Digital Services Act) constituent les deux piliers de la nouvelle réglementation européenne visant à mieux encadrer les pratiques des géants de la tech. Des lois ambitieuses pour lutter contre les abus de position dominante, les contenus illicites, la désinformation et les atteintes à la vie privée. En s’attaquant frontalement au modèle du « capitalisme de surveillance », l’Europe fait figure de pionnière et entend faire de sa vision humaniste de la technologie un standard mondial.
Mais cette volonté se heurte à la résistance acharnée des GAFAM qui y voient une menace existentielle pour leurs profits faramineux. Meta en particulier, dont le modèle repose quasi exclusivement sur la publicité ultra ciblée, n’a de cesse de brandir la menace sur l’emploi et l’innovation pour tenter d’adoucir la position européenne. Des arguments qui commencent à montrer leurs limites face à une Europe déterminée à reprendre le contrôle sur ses données et ses citoyens.
Vers de nouveaux modèles économiques post-surveillance ?
Au-delà de la sanction financière, c’est bien un changement de paradigme qui se profile pour l’économie numérique. Si les amendes dissuasives et les interdictions de pratiques toxiques sont nécessaires, elles ne suffiront pas à faire émerger une alternative crédible et pérenne aux modèles basés sur la surveillance de masse.
Il faudra inventer de nouveaux modèles économiques valorisant la privacy et l’éthique comme des atouts business. Un vaste défi qui appelle un nouveau pacte social et environnemental entre les entreprises tech, les citoyens et les régulateurs. Certains, comme le projet de réseau social décentralisé initié par Meta lui-même, esquissent des pistes intéressantes en ce sens. Preuve que les lignes bougent, y compris au sein de la Silicon Valley.
La décision finale de la Commission européenne sur l’abonnement de Meta sera donc scrutée de près. Elle enverra un signal fort sur la capacité de l’Europe à imposer ses valeurs et ses règles dans la nouvelle économie numérique mondialisée. Un test grandeur nature pour la crédibilité et l’avenir du projet tech européen.
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