Depuis des années, Instagram fait l’objet d’accusations quant à son impact négatif sur la santé mentale des adolescents. Des études ont pointé du doigt les risques de comparaison négative, de cyberintimidation et de dépression liés à l’utilisation intensive de la plateforme par les jeunes. Face à ces critiques récurrentes, Meta, la maison mère d’Instagram, a longtemps nié ou minimisé le problème. Mais la pression monte, et le géant des réseaux sociaux semble prêt à jouer la carte de la transparence.

Meta ouvre (un peu) les vannes des données

Selon un rapport de The Atlantic, Meta prévoit de lancer un « petit programme pilote » permettant à des chercheurs d’accéder à certaines données d’utilisation d’Instagram. L’objectif : analyser comment l’usage de l’application affecte les adolescents. Un changement de cap notable pour l’entreprise, connue pour son opacité en matière de partage de données.

La société annoncera aujourd’hui qu’elle recherche des propositions axées sur certains domaines de recherche – examiner si l’utilisation des médias sociaux est associée à différents effets dans différentes régions du monde, par exemple – et qu’elle prévoit d’accepter jusqu’à sept soumissions.

The Atlantic

Concrètement, les chercheurs approuvés pourront accéder à des données pertinentes sur les participants à l’étude, comme le nombre de comptes suivis ou la fréquence et la durée d’utilisation d’Instagram. Certaines informations resteront cependant confidentielles, comme les données démographiques des utilisateurs ou le contenu spécifique des posts.

Instagram, mauvais pour les ados ?

Cette initiative fait suite à une série de révélations embarrassantes pour Meta. En 2021, le Wall Street Journal publiait les « Facebook Files », une enquête basée sur des documents internes divulgués par une lanceuse d’alerte. On y apprenait que les propres recherches de l’entreprise montraient qu’Instagram pouvait avoir des effets délétères sur la santé mentale des adolescentes, en termes d’image corporelle, d’anxiété ou de dépression. Des conclusions que Meta aurait choisi d’ignorer pour privilégier la croissance de l’application.

Depuis, de nombreuses autres études ont tiré la sonnette d’alarme sur les dangers des réseaux sociaux pour les jeunes :

  • Comparaison physique et jalousie exacerbées
  • Exposition à la cyberintimidation et au harcèlement
  • Risque accru de dépression et d’anxiété
  • Addiction aux likes et à la validation sociale

Face à ces accusations, Meta a d’abord opté pour le déni, remettant en cause la validité des fuites et minimisant la portée de ses propres recherches. Mais devant le tollé, difficile de nier la nécessité d’en savoir plus sur les impacts réels de ses plateformes.

Un pas vers plus de transparence ?

Avec ce nouveau programme de recherche, Meta semble donc amorcer un changement de stratégie. Plutôt que de verrouiller ses données, le groupe choisit de collaborer (un peu) avec la communauté scientifique pour tenter de faire la lumière sur les effets d’Instagram.

L’étude sera pilotée par le Center for Open Science, un organisme indépendant qui garantira l’intégrité et l’objectivité du processus. Les chercheurs auront accès à des données pertinentes, mais anonymisées et limitées pour protéger la vie privée des utilisateurs.

L’objectif affiché est de confirmer ou d’infirmer, sur une base scientifique solide, l’idée qu’Instagram est néfaste pour les ados. Si les résultats se révèlent accablants, Meta promet de renforcer ses politiques de protection des mineurs sur la plateforme, avec de nouveaux outils et fonctionnalités.

Un enjeu crucial pour l’avenir des réseaux sociaux

Cette étude pourrait marquer un tournant dans la manière dont les géants de la tech abordent la question épineuse de l’impact des réseaux sociaux sur la santé mentale. Jusqu’ici, la plupart se retranchaient derrière le secret des affaires pour éviter de partager leurs données avec les chercheurs. Une position de plus en plus intenable à l’heure où les régulateurs et l’opinion publique exigent plus de transparence et de responsabilité.

Reste à voir si ce programme de recherche débouchera sur des résultats significatifs, et surtout sur des mesures concrètes pour mieux protéger les jeunes utilisateurs des effets pervers d’Instagram et consorts. Car au-delà de la communication, c’est bien la santé mentale de toute une génération qui est en jeu. Un défi majeur pour Meta, mais aussi pour l’ensemble de l’industrie des réseaux sociaux.