Imaginez une marque bicentenaire, ancrée dans le patrimoine français, qui ose tout changer : nom, logo, signature, positionnement. Dans un marché du vin en pleine mutation, où la consommation recule et les habitudes évoluent, rester immobile équivaut à disparaître lentement. C’est exactement le pari qu’a pris Maison Nicolas, l’ancienne enseigne Nicolas, sous l’impulsion de sa nouvelle directrice générale, Cathy Collart Geiger. Un rebranding audacieux qui fait débat, mais qui révèle une vérité essentielle en marketing : le vrai risque, c’est souvent de ne rien faire.

Cette transformation n’est pas un simple coup de peinture cosmétique. Elle s’inscrit dans un plan ambitieux sur cinq ans, visant à reconquérir des clients perdus depuis une décennie et à injecter de la modernité dans une institution du retail français. À travers une interview passionnante accordée à JUPDLC, Cathy Collart Geiger détaille les coulisses de cette métamorphose. Une leçon de stratégie de marque pour tous les entrepreneurs et marketeurs qui suivent les évolutions du secteur.

Qui est Cathy Collart Geiger, la femme derrière cette révolution ?

Avec plus de trente ans d’expérience dans le retail, Cathy Collart Geiger n’est pas une novice. Son parcours impressionnant inclut des transformations réussies chez Picard et Intermarché, des passages en hypermarchés, en marketing stratégique, et même une expérience internationale en Chine. Elle a navigué entre coopératives, groupes familiaux et réseaux intégrés, ce qui lui confère une vision panoramique du métier.

Arrivée en avril 2025 à la tête de l’enseigne, elle a immédiatement perçu le paradoxe : une marque puissante, adorée des Français, mais confrontée à un marché en décroissance et à des usages qui ont radicalement changé. Le logo n’avait pas évolué depuis quatre-vingt-dix ans. Pour elle, c’était un signal clair : il fallait agir pour ne pas laisser cette pépite s’endormir.

« Le logo n’avait pas bougé depuis 90 ans, alors que le monde, lui, a considérablement changé. »

– Cathy Collart Geiger

Les racines d’un rebranding nécessaire : diagnostic sans complaisance

Le marché du vin traverse une période complexe. Déconsommation, montée du sans-alcool, concurrence accrue de la grande distribution et des pure players en ligne : les défis sont multiples. Maison Nicolas perdait des clients depuis dix ans. Pourtant, l’enseigne dispose d’atouts exceptionnels : près de 500 magasins en France, une présence internationale, un lien émotionnel fort avec les consommateurs.

Le problème ? Une image figée dans le passé, un logo trop associé au vin rouge, des parcours digitaux en retard, une clientèle vieillissante. Cathy Collart Geiger a vu dans cette situation une opportunité : réenchanter le marché en modernisant la marque sans renier son ADN historique.

Avant de lancer le rebranding, elle a mené un travail approfondi :

  • Plongée dans les archives historiques pour comprendre les racines de la maison fondée en 1822.
  • Tour de France des magasins (plus de 50 visités) et échanges avec les cavistes.
  • Rencontres avec près de 500 fournisseurs et ateliers avec clients et non-clients.
  • Visite des terres originelles de Louis Nicolas pour s’imprégner de l’histoire.

Cette immersion a permis de cartographier forces, faiblesses et attentes du marché. Résultat : une plateforme de marque repensée de fond en comble.

Maison Nicolas : retour aux sources pour mieux avancer

Le nouveau nom « Maison Nicolas » n’est pas une invention marketing. Il puise directement dans l’histoire : dès 1822, les boutiques portaient l’inscription « Maison ». Ce terme évoque la chaleur, l’accueil, le sentiment d’être chez soi. Dans un monde perçu comme anxiogène, la « maison » rassure. Les magasins, d’environ 65 m², correspondent à la surface moyenne d’un appartement français. Parfait pour incarner cette proximité.

La signature « Source de convivialité depuis 1822 » complète ce positionnement. La convivialité, entrée dans le dictionnaire en 1825, est plus qu’un plaisir aujourd’hui : elle répond à un besoin sociétal profond, alors que la solitude touche 8 Français sur 10.

« Nous ne voulons pas nous poser en créateurs de convivialité, chacun doit inventer ses propres moments. Notre posture est celle de l’humilité : être en amont, à la source. »

– Cathy Collart Geiger

Le mot « source » ouvre aussi des perspectives produits : sans-alcool, jus, boissons alternatives. Fini l’association exclusive au vin rouge « lit de vin » qui limitait l’image de l’enseigne.

Un logo qui met enfin l’humain au centre

Le nouveau logo marque une rupture historique : pour la première fois en 200 ans, le caviste est incarné visuellement. Le « N » de Maison et le « A » de Nicolas forment les jambes d’une silhouette en mouvement. Symbole d’une marque dynamique, tournée vers l’avenir, où la relation humaine prime.

Ce choix graphique nourrit la fierté des équipes. Lors de la révélation interne, les cavistes se sont levés pour applaudir. Un moment fort qui montre l’importance de valoriser les collaborateurs dans toute stratégie de marque.

Quatre leviers pour une transformation profonde

Le rebranding n’est que la partie visible. Derrière se cache un plan structuré autour de quatre axes majeurs.

1. Remettre le client au cœur

Data, CRM, refonte du programme de fidélité vers plus d’expérientiel (visites de châteaux, vendanges, nuits sur place). Développement de gammes adaptées : sans-alcool en propre, champagnes accessibles, crémants, vins blancs et italiens.

2. Expérience et services poussés à l’extrême

Exemple concret : partenariat avec Swarovski pour personnaliser les bouteilles en magasin avec des cristaux. Instantané, exclusif, parfait pour les cadeaux de Noël qui représentent plus de 20 % du chiffre d’affaires.

3. Évolution du point de vente

Refonte complète du concept magasin : parcours plus fluide, atmosphère chaleureuse, alignée sur l’idée de « maison ». Appel d’offres lancé pour réinventer l’expérience physique.

4. Conquête de nouveaux clients et territoires

Modernisation digitale urgente : site responsive, application mobile, livraison express, click & collect simplifié. Ciblage des jeunes et des zones blanches géographiques (réindustrialisation, migrations post-Covid).

Embarquer les équipes : la clé du succès

Aucun changement ne réussit sans adhésion interne. Cathy Collart Geiger mise sur la marque employeur : revue des talents, parcours de carrière facilités au sein du groupe Castel, politique RH attractive. L’objectif : retenir et attirer les meilleurs dans un marché de l’emploi tendu.

Le résultat ? Une convention interne mémorable avec standing ovation et une appropriation massive de la nouvelle identité par les collaborateurs sur les réseaux.

Réactions du public : entre enthousiasme et scepticisme

Le rebranding ne laisse personne indifférent. Sur les réseaux sociaux, les avis sont partagés : certains saluent la modernité, d’autres regrettent les codes historiques rouge et blanc.

« Le pire, ce serait l’indifférence. Les réactions, y compris négatives, sont une opportunité de dialoguer. »

– Cathy Collart Geiger

Classic en marketing : un tiers enthousiaste, un tiers attentiste, un tiers réfractaire. Mais l’émotion suscitée prouve que la marque touche encore profondément les Français.

Les signes d’une réussite future

L’indicateur principal ? La reconquête de clients : +5 % par an après des années de perte. Suivi de près par l’engagement des équipes.

À plus long terme, l’ambition est claire : croissance durable, contribution à la filière vin, rayonnement de l’art de vivre français à l’international. Devenir un acteur responsable et éclairant.

Leçons marketing à retenir pour votre marque

Cette histoire offre de précieuses insights pour tout entrepreneur ou marketeur :

  • Ne jamais figer une marque dans le passé, même bicentenaire. L’immobilisme est le plus grand risque.
  • Plonger dans l’histoire pour légitimer la modernité. Le rebranding doit respecter l’ADN tout en le réinterprétant.
  • Mettre l’humain au centre : clients comme collaborateurs. La relation prime sur le transactionnel.
  • Accepter le débat. Un rebranding audacieux provoque des réactions. C’est le prix de la visibilité.
  • Penser transformation globale. L’identité visuelle n’est qu’un signal. Le vrai travail est en profondeur : data, expérience, digital, RH.
  • Anticiper les tendances sociétales : solitude, sans-alcool, personnalisation, proximité.

En résumé, Maison Nicolas démontre qu’une marque patrimoniale peut renaître en osant bouger. Une inspiration pour tous ceux qui veulent redonner de l’élan à leur business dans un monde en perpétuelle évolution.

Dans un contexte où le retail physique doit se réinventer face au digital, cette stratégie illustre parfaitement comment allier héritage et innovation. Une case study à suivre de près dans les mois à venir.