Imaginez que vous scrollez tranquillement sur Instagram, et soudain une pub alléchante apparaît : une star hollywoodienne vous promet des gains astronomiques avec un investissement de 250 €. Tentant, non ? Des millions de personnes tombent dans le panneau chaque année. Et devinez qui empoche l’argent de la publicité avant même que l’arnaque ne soit détectée ? Meta. Oui, la maison-mère de Facebook, Instagram et WhatsApp. Juste avant le Global Anti-Scam Summit de Washington, l’entreprise a publié des chiffres impressionnants pour vanter ses efforts. Mais quand on gratte un peu, l’histoire devient beaucoup moins reluisante.

Les chiffres que Meta veut vous faire avaler

En cette fin d’année 2025, Meta sort l’artillerie lourde :

  • Baisse de plus de 50 % des signalements d’annonces frauduleuses en 15 mois
  • 134 millions d’annonces scam supprimées rien qu’en 2025
  • Près de 12 millions de comptes liés à des centres d’arnaques professionnels démantelés
  • Utilisation de la reconnaissance faciale pour bloquer les deepfakes de célébrités

Sur le papier, c’est énorme. On applaudirait presque. Sauf que… avec plus de 3,2 milliards d’utilisateurs actifs quotidiens, 12 millions de comptes supprimés, ça représente 0,37 % de la base. Autrement dit : une goutte d’eau dans l’océan.

L’enquête Reuters qui fait mal

En 2024, une enquête de Reuters a révélé l’impensable : Meta générerait environ 16 milliards de dollars par an grâce à des publicités frauduleuses que ses propres systèmes avaient pourtant repérées comme suspectes. Le problème ? Les seuils de détection sont volontairement laxistes. Résultat : l’annonce passe, l’utilisateur clique, l’arnaqueur encaisse, et Meta touche sa commission publicitaire.

« Meta a échoué à identifier et arrêter une avalanche d’annonces exposant des milliards d’utilisateurs à des arnaques e-commerce, des investissements frauduleux, des casinos illégaux et des médicaments interdits. »

– Extrait de l’enquête Reuters, 2024

Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : 23 % des adultes dans le monde ont perdu de l’argent à cause d’une arnaque en 2024. WhatsApp arrive en tête des plateformes citées, Facebook en deuxième position. Pas vraiment de quoi pavoiser.

Pourquoi les consommateurs occidentaux fuient le social shopping

En Asie, WeChat, TikTok Shop ou Shopee ont réussi à intégrer le paiement et l’achat directement dans l’application. En Occident ? On reste méfiants. Et pour cause.

Lorsqu’un parent, un ami ou un collègue se fait arnaquer sur Facebook, il le crie sur tous les toits. Effet boule de neige : plus personne n’ose acheter via une pub Instagram. Les marques honnêtes en pâtissent, les plateformes aussi. TikTok, malgré ses milliards de vues, peine toujours à monétiser son shop aux États-Unis et en Europe. La raison principale ? La confiance érodée par les géants qui ont laissé les arnaques prospérer trop longtemps.

Le vrai business model : la pub d’abord, la sécurité ensuite ?

Meta ne vit pas de commissions sur les ventes (comme Amazon ou Shopify). Son unique source de revenus, c’est la publicité. Quand une campagne frauduleuse rapporte plusieurs dizaines de milliers de dollars par jour, l’algorithme a tout intérêt à la laisser tourner le plus longtemps possible avant de la bloquer « officiellement ».

C’est là que le bât blesse : plus la détection est tardive, plus Meta encaisse. Et tant que les régulateurs ne frappent pas au portefeuille (amendes colossales style RGPD), l’incitation économique reste du côté du laxisme.

Les nouvelles armes de Meta : vrai progrès ou poudre aux yeux ?

Reconnaissance faciale contre les deepfakes de célébrités, démantèlement de « scam farms » en Asie du Sud-Est, cooperation renforcée avec les autorités… Sur le papier, ça bouge.

Mais regardons les faits :

  • Les seuils de détection automatique restent opaques
  • Aucune transparence sur le pourcentage d’annonces frauduleuses qui passent encore entre les mailles
  • Les annonceurs légitimes continuent de payer plus cher parce que le CPM explose avec la concurrence des arnaqueurs

En résumé : oui, Meta fait un peu plus le ménage. Mais tant que le modèle économique récompensera la quantité plutôt que la qualité des pubs, le problème persistera.

Ce que ça change pour vous, entrepreneur ou marketeur

Si vous faites de la publicité sur Meta Ads, voici ce qu’il faut retenir :

  • Vos annonces risquent d’être désapprouvées par erreur à cause du resserrement des règles anti-scam
  • Le coût par clic augmente : les arnaqueurs surenchérissent sans limite (ils n’ont pas de marge à tenir)
  • La confiance de vos prospects est plus basse qu’il y a 5 ans : il faut redoubler d’efforts sur la preuve sociale et la transparence
  • WhatsApp Business devient risqué pour les tunnel de vente automatisés : les numéros liés à des arnaques sont bannis en masse

Les solutions concrètes à mettre en place dès aujourd’hui

Voici 7 actions immédiates pour protéger votre marque et vos clients :

  1. Utilisez des domaines vérifiés et des pages de destination ultra-transparentes (mentions légales visibles, avis Trustpilot intégrés)
  2. Privilégiez les créatifs vidéo où vous montrez votre visage et votre entreprise physique
  3. Mettez en place un pixel de suivi + des événements de conversion clairs pour éviter les blocages intempestifs
  4. Diversifiez vos sources de trafic (Google Ads, Pinterest, email, SEO) pour ne pas dépendre uniquement de Meta
  5. Formez vos équipes à reconnaître les « scam-like patterns » que l’IA de Meta déteste (promesses de gains rapides, avant/après extrêmes, etc.)
  6. Collaborez avec des influenceurs vérifiés et évitez les micro-influenceurs douteux
  7. Testez TikTok Shop et Instagram Checkout avec des petits budgets : la nouvelle génération fait plus confiance à ces plateformes

Vers un internet plus sûr ou une régulation inévitable ?

Le Global Anti-Scam Summit de cette semaine réunit gouvernements, plateformes et associations de consommateurs. On parle déjà d’une législation type « Digital Services Act » version américaine, avec des amendes pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires mondial pour les plateformes qui laissent passer des arnaques massives.

Meta le sait. D’où cette communication bien timed. Mais tant que les chiffres d’affaires publicitaires battront des records (+12 % prévu en 2025), le doute subsistera : l’entreprise préfère-t-elle vraiment nettoyer ses plateformes, ou juste donner l’illusion du nettoyage le temps que l’orage passe ?

Une chose est sûre : en tant qu’entrepreneur, marketeur ou consommateur, nous avons tous intérêt à rester vigilants. Parce que derrière chaque pub trop belle pour être vraie se cache souvent une réalité bien moins reluisante… et un géant du numérique qui a déjà empoché sa part du gâteau.